Brewster Buffalo Mk I
N° 453 Squadron 11/1941



Dans l'histoire de l'aéronautique, peu d'avions ont suscité autant de controverses que le Brewster Buffalo.

Conçu comme chasseur embarqué, c'est à partir de pistes terrestres qu'il va connaître le combat. C’est un symbole de la résistance de l'armée de l'air finlandaise mais il représente au contraire  l'impuissance des alliés, face à  la déferlante japonaise dans le Pacifique.


Au début des années trente, Brewster est une PME de composants aéronautiques. Elle décide de construire ses propres avions et  participe à un concours  de la marine américaine.

La firme développe alors un chasseur destiné à remplacer les biplans utilisés par l'US Navy.

Le premier vol du prototype a lieu le 02/12/1937 et il est en concurrence avec le Grumman XF4F-2 (futur Wildcat) et le Seversky NF-1.

La marine américaine commande 54 exemplaires en 06/1938, du modèle 239 sous la désignation F2A-1.

L'entreprise n'a pas les moyens de cette production et elle achète pour cela une usine sis à Long Island (état de New York). Mais le site va s'avérer mal adapté à une bonne productivité, et les livraisons vont connaître des retards,. L'exigence de tenir les délais,  entraînera finalement de nombreuses malfaçons, qui seront récurrentes tout au long de la production.

Le premier modèle F2A-1 est équipé d'un moteur Wright R-1820-34 Cyclone de 950 CV. La vitesse maximum à 4500 m est de 500 km/h et l'appareil bénéficie d'une autonomie de 1600 km. L'unité qui réceptionne ses premiers avions en novembre 1939, est alors la première de la marine à être équipé d'un chasseur monoplan.

D'emblée les marins apprécient la maniabilité de l'avion et sa facilité de pilotage, en revanche ils constatent une fragilité du train d'atterrissage. Ce problème ne sera jamais complètement résolu, expliquant la désaffection de l'US Navy et la courte carrière au sein de cette arme.

La marine souhaite néanmoins plusieurs améliorations et notamment l'installation d'un moteur plus puissant: un Wright R-1820-40 de 1200 CV.

Les modifications donnent lieu à une nouvelle version: le modèle 339 dénommée F2A-2 dans l'US Navy, et commandée à une cinquantaine d'exemplaires qui ne sont pas livrés avant août 1940.  L'armement est maintenant composé de 4 mitrailleuses de 12,7 mm, mais les performances ont peu progressé car l'avion est plus lourd : la vitesse maximum à 4500 m est portée à 554 km/h, l'autonomie diminue à 1500 km, mais c'est surtout la vitesse ascensionnelle qui régresse. C'est bien là une caractéristique de cet avion, chaque nouvelle version réduit en fait les performances. Le summum étant atteint par le F2A-3 qui n'a pour lui que son autonomie de 3000 km. La centaine d'exemplaires livrée à l'US Navy, entre juillet et décembre 1941, sera rapidement reversée aux Marines. Ils vont connaître le combat au dessus de Midway avec un résultat dramatique et seront rapidement reversés en école.

 

L'US Navy ayant porté son choix sur une version "améliorée", les modèles 239 produits vont alors fournir la Finlande. Ce pays cherche désespérément à s'équiper pour contrer l'invasion soviétique.

Ces avions vont ainsi être les premiers Buffalo engagés en combat, lors du déclenchement de l'opération "Barbarossa" de juin 1941, en combattant au côté des forces de l'Axe ...

Ils vont surtout se couvrir de gloire.

Les finlandais surnommant l'appareil "La Perle du Ciel", ils apprécient particulièrement sa maniabilité à basse altitude.

Durant les trois années de guerres contre les russes, les pilotes de Buffalo revendiquent 459 appareils abattus contre 15 perdus en combat, soit pour un Brewster descendu c’est plus de 30 victoires enregistrées.


C'est donc grâce à l'exportation que l'avion connaît le combat.

Il est aussi engagé pour défendre les colonies des Pays-Bas et de la Grande-Bretagne, contre un ennemie commun: le Japon.

Les anglais passent une commande importante de 170 avions, livrés de décembre 1940 à mai 1941. Certainement pour ses piètres performances en altitude, le Buffalo est jugé impropre pour le front occidental; il sera donc chargé de défendre les territoires en Extrême Orient. Quant aux avions néerlandais, dont moins d'une centaine est exportée entre mars et décembre 1941, ils vont avoir une histoire relativement commune aux britanniques.

Le modèle désigné 339E, bénéficie d'un équipement propre à cette version Britannique, avec des blindages supplémentaires notamment. Cela ne va pas améliorer les performances de l'avion.

La motorisation pose problème, car l'usine Wright ne peut livrer suffisamment de moteurs Cyclone 1820-G105 de 1100 CV. Brewster recycle donc des groupes d'occasions, achetés à des compagnies aériennes, et cela ne sera pas sans conséquences sur la maintenance.

Les néerlandais sont loger à la même enseigne mais pourront en revanche bénéficier en partie, d'un lot de moteurs d'une version plus puissante de 1200 ch..

 


Les avions sont livrés à Singapour au printemps 1941. Ils sont destinés à équiper cinq squadrons du Commonwealth, chargés de défendre l'Ile mais aussi la Malaisie et la Birmanie.

Sur ce théâtre d’opération, le Buffalo va acquérir une mauvaise réputation, jugé désuet et inférieur à ses opposants.

Pourtant les chasseurs adverses de l'armée japonaise ne sont pas forcément supérieurs.

Le Ki 27 est d'une conception plus ancienne avec un train fixe, le Ki 43 souffre d'un manque de mise au point. Ils ont en commun leur faible armement et  leur fragilité même s'ils bénéficient d'une extrême manœuvrabilité.

En fait, il semble bien que le Buffalo va devenir surtout un 'bouc émissaire", éludant ainsi les erreurs humaines, les "bourdes "de la hiérarchie militaire : il faut bien donner une explication à la défaite !

Les unités sont composés de néo-zélandais ou d'australiens. Mais l'on manque de pilotes confirmés en raison de la guerre en Occident. Une bonne part des avions resteront donc en réserve.

La majorité des hommes sortent des écoles de pilotages, certains ne sont même pas destinés ou ne veulent pas être transférés à la chasse, d'autres n'ont piloté que de vieux biplans.  L'entraînement  va durer du printemps jusqu'à décembre et il sera émaillé de nombreux incidents, d'autant que les problèmes du train d'atterrissage et du moteur sont récurrents. Sur cette période ce n'est pas moins d'une vingtaine de Buffallo qui seront détruits et l'on dénombre 67 incidents entre janvier et septembre 1941. Ces pilotes vont pourtant combattre des ennemis beaucoup plus aguerris par l’expérience de la guerre en Chine ou acquise contre les soviétiques en Mongolie.

Heureusement, les squadrons sont commandés par des pilotes entraînés, ayant combattus pendant la Bataille d'Angleterre. Le moral est variable selon les unités et l'on note des conflits entre les hommes issus des colonies, et leur hiérarchie provenant de métropole.

Au problème humain s'ajoute aussi l'environnement. L'humidité abîment rapidement les contacts électriques des commandes de tir des mitrailleuses, à cela s'ajoute un manque d'entretien de l'armement. Les pilotes vont donc souvent se retrouver en plein combat avec des armes refusant de fonctionner.

Au déclenchement de l'offensive, les unités en Malaisie sont éparpillées sur des terrains qui ne bénéficient pas de réseaux de guet suffisamment organisés et entraînés. Une grande partie des Buffallo sont donc détruits au sol, ou encore surpris au décollage, tentant de prendre de l'altitude. Dans ces conditions, même un chasseur plus performant n'aurait pas meilleur résultat. D'autant plus qu'une fois en vol, les avions se retrouvent face à un adversaire au moins six fois plus nombreux...

On peut ainsi en conclure que l'efficacité du Buffalo a été largement conditionné par les circonstances de son engagement,  plutôt que par sa valeur réelle.

 
L'avion représenté est celui attribué au Sgt Malcolm Neville Read. Cet australien, né le 21/06/1917, intègre la Royal Australian Air Force en décembre 1940. Fraîchement sorti de formation, il rejoint cinq mois plus tard le 453 Squadron, qui est constitué le 23/05/1941 en Australie. L'unité est ensuite envoyée à Singapour à partir du 21 août pour s'équiper en Brewster Buffalo Mk 1.

C'est ainsi le troisième squadron a en être équipé après les 67 Sqn et le 243 Sqn de la RAF, groupes composés de personnels néo-zélandais.

Comme leurs collègues, les pilotes australiens connaissent un entraînement difficile. Leur compétence est mise en doute à tel point que leur chef, le Sqn/Ldr WH Harper, décide d'aller chercher d'autres pilotes en Australie.

Cet anglais, vétéran de la Bataille d'Angleterre et titulaire de deux victoires, ne sera jamais apprécié de ses hommes. Le fait est qu'il laisse son unité à un moment crucial. 

Bien que de retour après le début de la guerre, ses hommes le surnomment "the shadow", ce qui en dit long sur ce qu'il inspire. Il fera d'ailleurs l'objet d'une enquête pour une cours martiale.


Read et ses camarades vont fêter dignement le passage du 453 Sqn en unité opérationnelle.

Lors du déclenchement des hostilités,  le squadron est basé avec ses 18 Buffalo à Sembawang, sur l'île de Singapour.

Sa mission est alors de protéger la Force Z, composée notamment du croiseur de bataille Repulse et du cuirassé Prince of Wales. Chargés de contrer la flotte de débarquement nipponne, ces navires seront coulés par les bombardiers ennemis, avant l’intervention des chasseurs. Ces derniers sont prévenus trop tard et ils n’arrivent sur les lieux que pour constater le drame. L'amiral Philips aurait rejeté quelques jours auparavant, un plan permettant d'assurer une couverture aérienne de sa flotte ...

 

Sources:

“Le Brewster Buffalo”, Jean-Louis Couston (Lela Pesse),

Batailles Aériennes n° 40: “la Ruée Japonaise”,

Air Magazine n° 20 et 21,

“Brewster F2A Buffalo, Aces of WW2”, K.Stenman & A.Thomas(Osprey),

“Buffaloes over Singapore” , Brian Cull,

“F2A Buffalo in action”, Jim Mass (Squadron Signal)

Internet.


Dès le début du conflit, le 08/12/1941, les Buffalo des squadrons 243 et 21,  situés en Malaisie du Nord,  sont pour la plupart surpris sur leur terrain. Au mieux lorsque les avions sont prêts à décoller, l'ordre tarde à venir et ces derniers le font sous les bombes.

Le 13/12, le 453 Sqn est dont envoyé à Ipoh, en Malaisie du Nord, pour prendre la relève du 21 Sqn qui n'a plus d'avions. Le Sgt Read décolle à 6h30, il accompagne avec le Sgt Collyer, son chef de patrouille, le Flight Lieutenant Vanderfield.

Après leur ravitaillement sur la base de Butterworth, les trois hommes reçoivent l'ordre d'intercepter un raid nippon composé de bombardiers Ki-48 et Ki-51.  Vanderfield ne parvient pas à rentrer son train d'atterrissage mais cela ne va pas l'empêcher de descendre 2 Ki-48 malgré ce handicap. Il deviendra un des quatre as du Commonwealth sur Buffalo avec cinq victoires confirmées.

De leur côté, Read et Collyer vont abattre 3 Ki-51. Ils retournent se ravitailler à Butterworth puis rejoignent leur chef tout en mitraillant sur leur chemin des troupes nippones.

Lors de ce transfert, toutes les patrouilles n'auront pas la même chance : trois avions se perdent et leur  carburant épuisé, s'abîment dans la nature. Un seul des pilotes garde la vie sauve.

Arrivés à Ipoh, les autres Buffalo sont appelés en milieu de matinée, pour protéger Butterworth. Des cinq appareils arrivés à destination, trois parviennent à décoller immédiatement à l'approche d'un raid de chasseurs Ki-27. Il se retrouvent alors pris à parti par 30 à 40 adversaires des 1e et 11e Sentai. Si le Sgt O'Mara et le F/Lt Grace arrivent à s'en sortir avec leur avion endommagé, le F/Lt Vigors, qui commandait par intérim le 453 Sqn, doit évacuer son Buffalo.  Pris pour cible lors de sa descente en parachute, il finira à l'hôpital avec des brûlures et une balle dans la cuisse. Quand aux deux autres avions, ils se font "coiffer " lors de leur décollage. Le Pilot Officer Angus termine dans une rizière, blessé à la hanche; le Sgt Oelrich est tué.

Dès son arrivé près du front le 453 Sqn perd donc six avions, trois pilotes y laissent leur vie et l'unité n'a plus de chef. Compte tenu des pertes, l'Etat major décide de fusionner l'unité avec le 21 Sqn.

Le 14/12, deux missions d'attaque au sol sont organisées avec les hommes présents sur place des 21, 453 et même 243 Sqn. Lors  d'une rencontre avec des avions ennemis, un autre Buffalo est descendu.

Le 15/12, 10 Brewster en renfort atterrissent à Ipoh, emmenés par le Sqn/Ldr Harper, rentré d'Australie. Ce dernier prend alors la tête de la formation mixte (21 et 453 Sqn). Il tente d'organiser les défenses en instaurant des patrouilles permanentes et un centre de contrôle. Mais le manque de personnel rend la maintenance difficile et des interceptions échouent car les mitrailleuses refusent de fonctionner.

Les accidents, les raids nippons incessants vont vite réduire les effectifs dans les jours qui suivent. La situation à Ipoh devient intenable.

 

Le 19/12,  le 453 Sqn est donc évacué à Kuala Lumpur avec les cinq Buffalo restants.

Les deux premiers jours sont relativement calmes sur ce terrain, cela permet au 453 Sqn de se refaire une santé.

Dès le 21/12 cependant, 14 bombardiers nippons accompagnés de 15 chasseurs Ki-43 se présentent au dessus du terrain. Les deux Buffalo de la patrouille de surveillance font ce qu'ils peuvent.

Le Sgt Leys qui affronte les chasseurs est rapidement descendu, mais il parvient à sauter.

Le Sgt Peterson qui s'occupe des bombardiers revendique un avion abattu, un probable et un dernier endommagé.

Mais cela n'est rien au regard de la journée du lendemain qui va connaître le combat aérien le plus important au dessus de la Malaisie.

Ce 22/12, le Sgt Read fait parti d'une patrouille de 12 avions qui décollent vers 10h00. Conduite par le F/Lt Vanderfield, elle rencontre 6 Ki-43 du 64e  Sentai qui sont rapidement rejoints par 12 avions supplémentaires . Cette unité d'élite est alors menée par un des plus grand as de l'armée japonaise de l'époque, le Commandant Tateo Kato. Les Japonais ont l'avantage de l'altitude. Le Lt Takayama pique le premier suivi du reste de la formation. Un combat acharné va s'en suivre qui va durer près de 30 minutes.

Si le 453 Sqn revendique 3 victoires, il perd dans le même temps 6 Buffallo, sans compter les dommages sur les autres. Deux pilotes y laissent leur vie dont le Sgt  Read qui aurait abordé volontairement le Ki-43 du Lt Takayama, retrouvé mort par ailleurs. Geste de dépit ou accident dans la mêlée du combat, nul ne le sait vraiment. Une troisième victoire posthume sera néanmoins attribué à Malcoim Neville Read, soit moins de 10 jours après son premier combat victorieux, il était alors âgé de 24 ans.

Ce même jour dans l'âpres-midi, une nouvelle intrusion de chasseurs japonais détruit un autre Buffalo qui tentait de décoller, tuant le pilote à son bord. Il ne reste plus à l'escadron que trois Buffalo.

Le 23/12, ordre est donné de se replier sur Singapour, et il n'y a plus alors d'unités de la RAF basée en Malaisie.

De nouveau, les deux unités australiennes , les 21 et  453 Sqn, fusionnent sous l'autorité du Sqn/Ldr Harper, toujours aussi peu apprécié de ses hommes.

Les unités de Brewster vont alors vivre une histoire commune en défendant Singapour. Les missions d'interception des raids ou d'escorte de convois s'enchaînent avec son lot de victoires mais surtout de pertes. La plupart du temps ils se battent à un contre dix. A cela s'ajoute  maintenant les confrontations avec le Mitsubishi A6M2 "Zéro" de la marine japonaise, beaucoup plus performant. On essaye d'alléger les Buffalo en enlevant l'équipement superflu mais si des victoires sont encore revendiquées, le Brewster reste toujours surclassé. Les Hawker Hurricane arrivés en renfort ne ferons pas mieux d'ailleurs.

Le 453 Sqn va livrer un ultime combat le 06/02/1942 avant d'être évacué sur Java le lendemain.

Lors de cette campagne, l'unité aura néanmoins enregistré 34 victoires aériennes confirmées et plusieurs autres probables et comptera deux as à cinq victoires dans ses rangs: le F/Lt Vanderfield et le Sgt Clare.