Nakajima Ki.43-I “Hayabusa”
64e Sentaï  2e Chutaï 03/1942



Si le Mitsubishi Zéro de la Marine japonaise est universellement connu, tant il a marqué les esprits des militaires alliés, son équivalent dans l’Armée Impériale n’a pas eu la même notoriété.

Souvent confondus entre eux, le Nakajima Ki-43 fut lui aussi une bien mauvaise surprise pour les aviateurs occidentaux.

Possédant des caractéristiques communes, propres aux doctrines de la chasse japonaise, il fut pour le corps aérien de l’Armée le chasseur le plus produit. Il est resté engagé en premières lignes du début à la fin du conflit.

En décembre 1937, conscients de l’évolution rapide de l’aviation, les responsables de l’Armée Impériale demandent à Nakajima de concevoir le futur remplaçant du nouveau chasseur Ki-27 qui entre alors en production. Ils en sont tellement satisfaits qu’ils s’adressent directement à ce constructeur sans mettre en compétition les autres avionneurs.

On demande donc de meilleurs performances en vitesse, en temps de montée, en distance franchissable tout en conservant une maniabilité identique à son prédécesseur.

L’avion bénéficie des nouvelles technologies comme l’adoption d’un train d’atterrissage rétractable. Cependant ce système, et les autres évolutions, alourdissent l’appareil. 

 

Après le vol du premier prototype en janvier 1939, il s’avère que les gains en performance sont minimes et l’avion est bien moins maniable que son prédécesseur.  Les autorités n’étant pas satisfaites, le travail se poursuit sur les 3 prototypes ainsi que sur 10 exemplaires de préséries. Toutes les solutions pouvant alléger la cellule sont testées mais c’est surtout l’adoption de volets en « ailes de papillon » à l’intrados qui est la plus appréciée. Leur déploiement permet de virer beaucoup plus serré et la maniabilité de l’avion s’en trouve largement augmentée.

Les essais menés durant toute l’année 1940 finirent par convaincre les militaires et la première version de série entre en production en janvier 1941. Désigné Chasseur de l’Armée type 1, le Ki-43-I est aussi appelé par son surnom Hayabusa (Faucon Pélerin) et sous le vocable « Oscar » par les alliés.

Cette première version est équipée d’un moteur Nakajima Ha-25 de 990 Cv, un 14 cylindres en double étoile refroidi par air entrainant une hélice bipale métallique.

Ainsi gréé, la vitesse maximum de 495 km/h est atteinte à 4000 m et l’avion grimpe à 5000 m en 5 min 30 sec. Avec un plafond 11700 m et 1200 km de distance franchissable, l’avion affiche donc des performances très honorables pour l’époque.

Cependant cela est obtenu au prix de concessions qui vont rapidement se révéler des faiblesses. Le bon rapport poids /puissance est obtenu grâce à une cellule très légère mais aussi très fragile. De nombreux incidents seront enregistrés une fois l’avion entré en service et des travaux de renforcement de la structure devront être effectués. A cela s’ajoute une protection quasi inexistante du pilote et des organes principaux de l’avion.

Mais c’est surtout l’armement qui reste insuffisant car limité à 2 armes de capots. Théoriquement 2 mitrailleuses de 12,7 mm pouvaient être montées mais le manque de fiabilité de cette arme fait que le plus souvent une seule est installée, couplée à une mitrailleuse de 7,7 mm plus fiable.

765 exemplaires de cette série seront construits jusqu’en 1943. Malgré ces défauts, c’est pourtant cette première version qui va connaitre les combats au sein du corps aérien de l’Armée Japonaise.  Tout comme le Zéro de l’Aéronavale, l’Hayabusa va semer la terreur dans les rangs des aviateurs alliés. Mal préparés face à cet adversaire, ils ne possèdent aucun avion capable de lui tenir tête dans un combat tournoyant.

Une nouvelle version est produite à partir de mi-1942. Equipée d’un moteur plus puissant, d’une hélice tripale, d’un collimateur remplaçant la lunette de visée ainsi que de protection pour le pilote et les réservoirs. Le Ki-43-II est la version la plus produite à 3477 exemplaires. Enfin, en 1944 le Ki-43-III le remplace. avec 1498 modèles. Même s’il s’agit de la version la plus performante, l’avion est alors dépassé en raison de la faiblesse de son armement toujours aussi limité. Son seul atout face à l’adversaire reste sa maniabilité exceptionnelle.

 

En janvier 1942, au dessus de Singapour, les Ki-43 sont aussi opposés aux Hurricane II qu’ils surclassent bien que plus performants que le Buffalo. Finalement, pour le 64e Sentaï, les combats au dessus de la Malaisie et de Singapour se soldent avec un ratio de 2 victoires par perte.

Après la chute de la forteresse Britannique, les opérations se portent sur les iles de Sumatra et Java. Le groupe va y être opposé aux unités britanniques qui se sont repliées mais aussi aux chasseurs néerlandais.

Les 59e et 64e Sentaï, les deux groupes équipés de Ki-43, vont rapidement acquérir la maîtrise du ciel au dessus de Sumatra. Cela va permettre de lancer une vaste opération aéroportée et de s’emparer des raffineries et gisements pétroliers de la région de Palembang. Au dessus de l’île de Java, les japonais rencontrent aussi des unités de l’US Army Air Corps mais le scénario se répète jusqu’à la capitulation néerlandaise du 8 mars 1942. A cette date, le 64e Sentaï ne possèdent plus que 15 avions opérationnels sur les 35 qu’il alignait au début de l’offensive. Il avait aussi perdu 13 pilotes tués.

Le temps n’est pas au repos pour le groupe qui est transféré en Thaïlande, reçoit de nouveaux appareils,  afin d’intervenir en Birmanie à partir du 21 mars 1942.

Sur ce nouveau théâtre d’opération les combats vont être plus âpres. Le groupe est toujours opposé aux Buffalo et Hurricane britanniques mais aussi aux Curtiss P-40 de l’AVG, les fameux Tigres Volants. En effet les alliés sont beaucoup mieux organisés et ont développé des tactiques de combats neutralisant les avantages des avions japonais. Surtout,  les américains ont mis en place un système de guet très performant, évitant d’être surpris et leur permettant d’être en meilleur position en altitude.

Pour autant le 64e reste un adversaire redoutable même si les combats aériens sont plus équilibrés, les alliés perdant de nombreux avions détruits au sol.

Le 22 mai 1942, un évènement majeur va bouleverser le groupe avec la perte de son chef prestigieux. Tateo Kato est en effet abattu par le mitrailleur d’un Blenheim de la RAF.

L’unité est bientôt mis au repos après 6 mois de combats ininterrompues mais la légende était née avec la production d’un film à sa gloire : « Kato Hayabusa Sento-Taï» qui sort au Japon en 1944. Le grand public découvre alors le chant de marche du groupe qui devient une chanson populaire, encore fredonnée de nos jours.


 
Le groupe est alors transféré en Indochine début décembre 1941 en prévision de l’invasion de la Malaisie. Les patrouilles de couverture de la flotte de débarquement s’enchainent mais la veille du déclenchement des hostilités, les premières pertes sont enregistrées. Trois Hayabusas disparaissent en mer avec leur pilote du fait des mauvaises conditions météo.

Une heure avant l’attaque de Pearl Harbor, les japonais débarquent à Kota Bahru. La plupart des groupes de chasse de l’Armée Impériale sont équipés de l’antique Ki-27 qui va néanmoins tenir son rôle, seuls les 59e et 64e Sentaï sont passés sur Ki-43. Ils vont bien entendus se montrer les plus efficaces.

Pour le 64e, la première victoire est enregistrée ce jour du 07 décembre 1941, au dépend d’un Blenheim Mk IV du n°34 Sqn de la RAF. Trois pilotes se partagent ce résultat dont le Lt Yohei Hinoki.

Ce même jour, 5 appareils sont aussi revendiqués détruits au sol. En effet, pour les japonais, la maîtrise de ciel ne s’acquière pas uniquement en combat aérien mais aussi en détruisant le matériel ennemis sur ses bases. Les missions d’escorte de bombardiers et de mitraillage des terrains sont donc le quotidien des pilotes, les Blenheim et Buffalo de la RAF en font principalement les frais. Les japonais sont à l’initiative et surprennent la plupart du temps des britanniques mal préparés et désorganisés. La journée du 22 décembre est marquée d’une pierre blanche pour le groupe. Au dessus de Kuala Lumpur un important combat oppose 18 Ki-43 emmenés par Tateo Kato à une douzaine de Buffalo du n° 453 Sqn de la RAAF. Ayant l’avantage de l’altitude les japonais surclassent largement leurs adversaires et réclament à son issu 11 avions abattus et 4 autres probables pour une seule perte.  L’expérience des pilotes japonais acquise en Chine et en Mongolie a fait la différence, contrairement aux Australiens, Néo-zélandais et Britanniques qui manquent d’entrainement.

Le fait est que le lendemain, la RAF a quasi disparu du nord de la Malaisie.

 

L’avion représenté était la monture du Lt Yoheï Hinoki. Cet As est l’un des rares à avoir survécu au conflit. Il fit ses premières armes au sein du 64e Sentaï qu’il intégra en novembre 1940. Dès le premier jour du conflit il signa sa première victoire en collaboration et la seconde lors du fameux combat du 22 décembre 1941 au dessus de Kuala Lumpur, alors qu’il était l’ailier de Tateo Kato. Le 10 avril 1942, il fut sérieusement blessé lors d’un combat contre Robert T. Smith, un as de l’American Volunteer Group (AVG). A cette époque les Tigres Volants appliquaient la tactique du « hit and run » (tirer et fuir) que les soviétiques avaient utilisé avec succès en 1939 au Nomohan, afin de contrer l’exceptionnelle maniabilité des Ki-27.

Les japonais furent surpris alors qu’ils mitraillaient le terrain des américains.

Hinoki fût touché par plusieurs balles mais malgré la douleur, il put ramener son avion sur un terrain de secours. Hospitalisé plus d’un mois, une des balles ne put être retirée car logée près du nerf sciatique. Après une période de rééducation, il réintégra le 64e Sentaï en avril 1943 et prendra le commandement du 3e Chûtaï (escadrille). Toujours au dessus de la Birmanie, le groupe , équipé de Ki-43-II, est alors opposé à des chasseurs de la RAF Hawker Hurricane et Curtiss Mohawk.

Mais le 25 novembre 1943, le 64e Sentaï affronta un nouvel adversaire : les P-51A Mustang du 311th FBG de l’USAAF nouvellement arrivé sur ce front. Hinoki parvint à abattre l’avion de leur chef, le Colonel Melton. Ce dernier fut capturé mais péri lors de son transport vers le Japon, le cargo chargé de prisonniers fut torpillé par une meute de sous marins américains dans la nuit du 12 septembre 1944.







Mais 2 jours plus tard, lors d’un violent combat qui le vit descendre 1 Mustang, 1 P-38 et 2 B-24, il fut de nouveau gravement touché à la cuisse par un autre P-51.

Il réussi par miracle à rejoindre un terrain de secours après avoir confectionné un garrot avec son foulard. Son avenir était néanmoins compromis car il fût aussitôt amputé au niveau du fémur. Une hospitalisation de plus d’un mois fût suivie d’une longue période de rééducation et il bénéficia finalement d’une prothèse articulée.

A la fin de 1944, suite à ses nombreuses demandes, sa hiérarchie accepta de le transférer comme instructeur dans une école de chasse. On lui donna à cette époque le surnom de « Maître Faucon ».

Au sein de l’école de chasse d’Akeno, notre pilote fait ensuite partie d’une unité opérationnelle chargée de défendre le ciel du Japon face aux raids de B-29.

C’est ainsi que le 16 juillet 1945, pilotant un Kawasaki Ki-100 malgré sa jambe de bois, il remporte sa 12ème et dernière victoire au dépend d’un P-51 Mustang.

Après guerre il se lança avec succès dans les affaires et publia ses mémoires en 1976 qui devinrent un best-seller dans son pays. Il vécu ses dernières années de retraite dans la banlieue de Tokyo. Il décéda le 29 janvier 1991 à l’âge de 71 ans. Son épouse retrouva au milieu de ses cendres, la balle tirée 49 ans plus tôt par Robert T.Smith.

 
Contrairement à nombre de pays occidentaux, à l’exception des Etats Unis, le japon n’avait pas d’Armée de l’Air proprement dite comme la RAF, ou la Luftwaffe par exemple. L’Armée de terre avait sa propre composante aérienne sans lien direct avec celle de la Marine.

Pour cette raison, le matériel était souvent différent, ainsi que l’organisation.

La notoriété des unités de l’aéronavale était très forte dans ce pays mais pour ce qui concerne les régiments de chasse de l’Armée, aucune n’était aussi célèbre que le 64e Sentaï.

Sa création date du 01 Août 1938, période qui connait une réorganisation complète de la composante aérienne de l’Armée Impériale. Il est d’abord engagé en Chine, son équipement sur le nouveau chasseur Nakajima Ki-27 étant en cours. Les qualités de cet avion permettent de conquérir rapidement la supériorité dans le ciel Chinois et le groupe enregistre 97 victoires à cette occasion.

Cependant c’est lors de l’affrontement contre les soviétiques, durant sa participation à l’incident du Nomonhan, que le 64e Sentaï va connaître ses engagements les plus violents. En effet, lors de ce conflit, des combats engageant plusieurs centaines d’appareils ne sont pas rares.  Sa période d’intervention d’un mois se solde par 8 pilotes tués pour 52 victoires revendiquées.

La célébrité de cette unité va monter d’un cran, lorsque le Major Tateo Kato en prend le commandement le 10 avril 1941.

Pilote émérite, titulaire de plusieurs victoires glanées en Chine, cet As est déjà adulé par la presse de l’époque. Personnage charismatique, respecté de ses hommes, son arrivée coïncide avec l’équipement du Sentaï sur le nouveau chasseur Nakajima Ki-43.

Basée à Canton, le 64e Sentaï est la seconde unité à être équipée de cet appareil. L’entrainement est intensif et de nombreux incidents sont enregistrés avant que les avions bénéficient d’un renforcement de leur structure à l’emplanture des ailes et du train d’atterrissage.

 

Sources:

«Les avions de l’Armée Impériale Japonaise,1910-1945», Bernard Baëza,

Revue «Avions» n° 218 à 220,

Revue «Le Fana de l’Aviation» n°569 et 570,

Revue “Batailles Aériennes” n°40: “La ruée japonaise”,

Divers sites Internet.