Morane Saulnier MS 406
GC II/2  3e escadrille  09/1939






Pour notre Armée de l'Air,  le MS 406 symbolise l'état de notre aéronautique,  à l'approche de la seconde guerre mondiale.


Lors de sa mise en service en mai 1938, il est le premier chasseur français à répondre aux critères modernes : monoplan, train escamotable, habitacle fermé, équipement radio etc.

Motorisé par un V 12 Hispano Suiza de 860 CV, il peut atteindre  à 5000 m, la vitesse maximum de 486 Km/h. Son autonomie est de 1100 km et son plafond pratique de 9400 m. Enfin, il est armé d’un canon de 20 mm dans l’axe de l’hélice et de deux mitrailleuses de 7,5 mm dans les ailes.

Pour l’époque, il affiche donc des performances honorables.

Construit à plus de mille exemplaires, il représente ainsi le passage de notre industrie aéronautique encore au stade artisanale,  à la production en grande série.


Le Front Populaire, par ses nationalisations et les fusions qui les accompagnaient, avait rendu possible la modernisation de notre industrie.

Mais cela ne s’était pas fait sans difficultés, et le retard  accumulé n’était donc pas totalement résorbé,  au moment de la déclaration de la guerre.

Si cet avion était donc considéré en 1937 comme le « meilleur chasseur du monde », le formidable bond technologique réalisé par les nations industrielles, à la veille de la guerre, le rendait déjà dépassé deux ans plus tard.

Cependant, les appareils destinés à le remplacer prenant du retard, il va donc constituer l’épine dorsale de notre chasse, pendant toute la Campagne de France.


En 1940, le Morane est donc obsolète. Il manque de puissance, donc de performance, et connaît de surcroît des problèmes techniques qui sont liés à la mise en œuvre de nouvelles technologies. D’un pilotage agréable, il a en sa faveur une bonne maniabilité.

Aux mains de pilotes qui le maîtrisent bien, il se révèle néanmoins un adversaire à ne pas négliger.  Au cours de la Campagne de France,  ces hommes vont finalement enregistrer 190 victoires aériennes plus 90 probables, et certains d’entre eux obtenir même le statut d’As, uniquement sur cet appareil.


Pour bien faire, on pourrait aussi ajouter les victoires des pilotes Finlandais contre l’aviation Soviétique. Ce conflit est en effet l’autre zone d’opération majeure où est intervenu le MS 406. Mais c’est là une autre histoire, pour un autre lieu.

 


Le MS 406 représenté, faisait partie de la 3e escadrille du groupe de chasse II/2.

Il arbore une décoration correspondant à la période de la déclaration de guerre.

Le groupe était alors basé à Chartres.

Son pilote qui lui est assigné,  est le Lieutenant de Rohan-Chabot et son histoire est à l’image de cette période tragique.


A la déclaration de guerre en août 1939, l’escadrille déménage plus à l’est, à Clermont-les-Fermes (Aisne), afin de se rapprocher du futur théâtre d’opération.

Commence alors la période de neuf mois appelée “Drôle de Guerre”, où les belligérants s’observent sans se combattre, retranchés derrières leurs lignes de défense.

Pour l’aviation de chasse, les opérations consistent essentiellement à intercepter les avions d’observations, ou à protéger leurs propres appareils de reconnaissance.

Il y a donc peu d’engagement sur cette période.


Pour notre pilote,  le premier combat ne va intervenir que le 01/04/1940.

Le Lt de Rohan-Chabot et le sergent chef de Muyser effectuent une mission de couverture, lorsqu’ils croisent vers 14h10 un bombardier Heinkel 111.

Ils le rejoignent et engagent le combat au-dessus de Monthermé. Chacun prend de l’altitude et attaque par l’avant, et sur le coté.

Le S/C de Muyser touche le Heinkel, qui plonge aussitôt en piqué pour s’échapper, mais le Lt de Rohan-Chabot se colle à ses arrières.

Il réussit à placer cinq tirs à la suite, malgré les brusques évolutions du bimoteur. Ce dernier franchit la frontière Belge en rase-mottes, et s’échappe.

A cette période, la Belgique est encore un pays neutre. Les Français respectent cet espace aérien, contrairement aux Allemands, ils abandonnent donc la poursuite.

La découverte ultérieure de l’épave du Heinkel, permettra de confirmer la première victoire de notre pilote.

 


Le 9/04, nouveau déménagement pour le Groupe

II/2, qui rejoint le terrain de Laon-Chambry.


Le 10/05, c’est l’offensive Allemande et le début de la Campagne de France.

Les opérations vont alors se multiplier, car l’ennemi cherche à détruire les terrains d’aviation, et il faut donc intercepter les bombardiers.

C’est sur alerte que la première patrouille du groupe (A/C Dorcy, Lt de Rohan-Chabot), décolle à la vue d’un peloton de Dornier 17, à 4h45 au matin.

Au ras du sol, elle prend contact avec un groupe de Cinq Dornier et attaque le dernier appareil.

Les passes se succèdent: Dorcy en effectue six au cours desquelles il voit les moteurs du bombardier s’enflammer, mais de Rohan est touché . Il pose son MS 406 en campagne, sans être blessé toutefois.

Ce jour là, il ne pilote pas son avion habituel.

Dorcy quant à lui , chargeurs vides, laisse le Dornier s’écraser à Fontaines-les-Vervins.

C’est la seconde victoire comptabilisée pour de Rohan-Chabot mais c’est aussi un premier avertissement.

Ce 10/05, plusieurs combats seront engagés par le groupe, notamment pour protéger leur terrain ainsi que la gare de Laon.

Le jour suivant l’unité connaît plusieurs engagements, mais le Lt de Rohan-Chabot n’y participe pas.

Le 12/05, les avions sont éparpillés sur un terrain satellite de Laon, afin d’éviter les bombardements. Une mission de couverture du secteur est  demandée  en début de matinée.

La patrouille de six avions, comprenant le Lt de Rohan, évolue à partir de 5h30 le long de la Meuse. A 6h15, elle coupe la trajectoire d’un Dornier 17 qu’elle engage aussitôt. Malgré les manœuvres du pilote allemand, qui tente de s’échapper dans la couche nuageuse, puis au ras du sol, les pilotes français le mitraillent à tour de rôle.

Le Dornier n’insiste pas, largue ses bombes, et se pose train rentré en campagne, près de Charleroi. C’est la troisième victoire pour le Lt de Rohan-Chabot.


Le lendemain, de nombreux combats ont lieu pour le groupe, qui déplore alors la perte de son commandant, et il ne reste plus que sept avions disponibles.

 
Le 14/05, le faible potentiel du groupe, ne permet qu’un nombre restreint de missions.

A 8h40, c’est une patrouille triple qui décolle, pour une mission de destruction sur secteur,  situé en Belgique.

Arrivée sur Dinant, elle croise un dispositif de bombardiers Dornier, protégés par des chasseurs Messerschmitt Bf 110.

La patrouille française manœuvre pour se placer dans le soleil, et plonge sur les Dornier.

L’un d’entre eux est atteint, mais rapidement les chasseurs d’escortes Bf 110 interviennent.

Si un Messerschmitt est touché, en revanche les MS 406 se retrouvent en infériorité numérique. Heureusement, une autre patrouille arrive sur les lieux, et permet à tous les Morane de s’échapper au ras du sol.

Malheureusement,  le Lt de Rohan-Chabot n’y parvient pas.

Alors qu’il effectuait une passe sur un Dornier, le mitrailleur de ce dernier réussit à placer une rafale sur son avion. Le Morane s’écrase finalement aux environs de Florennes, emmenant dans la mort son pilote.

Entre son premier et son dernier combat aérien, il ne s’est écoulé qu’un mois et demi, mais cela est suffisant pour faire basculer le destin d’un homme. Là encore, il ne pilotait pas l’avion qui lui avait été attribué en 1939.


Concernant cet avion justement, le n° 289, il semble qu’il était à cette période en révision générale. Il ne retourne au groupe que le 02/06/1940, puis est entreposé dans un dépôt, après la défaite française.

Il fait ensuite parti d’un lot de 46 exemplaires envoyés par les Allemands à leurs alliées croates, dès l’automne 1943.

Le Morane est alors un avion totalement dépassé, mais il sera utilisé dans d’obscures missions d’attaque au sol, contre les Partisans yougoslaves de Tito.

 

Sources:

“Le Morane Saulnier 406”, (Lela Presse),

“L’aviation de chasse française 1918-1940” ,Jean Cuny et Raymond Danel (Editions Larivière),

Divers n° des revues “Avions” et “Batailles Aériennes”.