Potez 631
ECN 1 /13    05/1940

Le Potez 630/631


Avec plus de 1100 appareils sortis des chaînes, la série des Potez 63 en fait l’avion français le plus produit entre 1935 et 1940.

Il doit sa naissance à un appel d'offre datant de  1934, pour un bimoteur "multiplace léger de défense".

Ce dernier doit assurer trois missions principales: chasse de nuit et escorte en biplace, avion de commandement en triplace.

Cette troisième mission est nécessitée par les faibles performances des premières générations de matériel radio.

L'avion est ainsi équipé de plusieurs postes, qui permettent la liaison avec le commandement au sol, mais aussi de pouvoir communiquer et conduire la manoeuvre des monoplaces qu'il accompagne.


Après un an d'étude, le prototype du Potez 630 vole en avril 1936, équipé de moteurs Hispano Suiza en double étoile.

Il est suivi en mars 1937 par le vol de la version 631, second prototype motorisé par des Gnôme et Rhône.


En fait l’avion français est beaucoup plus proche en performance,  des versions précédentes du Messerschmitt (Bf 110 A et B).  C’est là une bonne illustration des principales défaillances des avions français: la faiblesse de la motorisation et une entrée en service en retard d'une année.

L’armement du Potez 631 est aussi plus faible: composé de deux canons de 20 mm  et d’une mitrailleuse de 7,5 en défense.  La situation est aggravée par la pénurie en canon Hispano, une de ces armes est remplacée au début par une mitrailleuse.

Cette situation va se rétablir au fur et à mesure, et courant 1940, il sera même ajouté une paire de mitrailleuses sous chaque aile.


L'avion a des qualités : il est solide et exceptionnellement manoeuvrable pour un bimoteur, avec des dispositions acrobatiques pratiquement équivalentes à un monomoteur, ce qui est en revanche le point faible du Bf 110.

A cette série de chasseur, il faut mentionner les versions bombardement léger: Potez 633, ou reconnaissance: Potez 637 .

Mais c’est surtout le modèle 63.11, prévu pour l’observation et la reconnaissance,  qui sera le plus construit avec plus de 700 exemplaires.


Pour les raisons déjà évoquées, les livraisons sont plutôt lentes sur le dernier trimestre 1938, mais elles s'accélèrent grandement au printemps 1939.

Elles se font à la fois dans les escadres de chasse de nuit, ainsi que dans celles de jour.

De plus, les Potez 630 sont remplacés au fur et à mesure par les 631.


Chaque groupe de chasse possède donc sa section de multiplaces de commandement , composée d'environ trois avions.

L’évolution du matériel de transmission radio, va rendre rapidement obsolète ce concept de mission.


A l'entrée en guerre, plusieurs de ces appareils sont donc prélevés des escadres, pour former l'Escadrille Multiplace de Jour 1/16 dite "de guet".

Cette unité est chargée de surveiller l'espace aérien à l'approche de Paris.

Il est prévu en février 1940, d'équiper ses Potez d'un armement "renforcé", de 4 mitrailleuses sous les ailes.

C'est aussi à cette date, que l'on décide finalement la suppression des sections de commandement.


Un groupe de Chasse de jour, le GC II/8 est déjà équipé de Potez 631 depuis 06/1939. Il est chargé des missions de "coopération maritime".

Ces avions seront reversés début 1940 à la F1C de l'Aéronautique Navale.

Enfin, les deux groupes de chasse de nuit, basés à Etampes et Reims, ont leur dotation complète au printemps 1939.

 
En service avec l'ECN 1/13.


C'est la chasse de nuit qui sera le plus grand utilisateur de l'appareil .

Nous allons voir maintenant dans quelles conditions, en nous intéressant plus particulièrement à l'Escadrille 1/13, puisque c'est un des ses avions qui est représenté ici.


A la déclaration de guerre, les quatre escadrilles des deux groupes de chasse de nuit deviennent autonomes. Elles gagnent leurs terrains de campagne dans l'Est parisien, étant chargées de protéger la capitale.

Une cinquième escadrille a pour mission la protection de Lyon.


La 1/13 est alors basée à Meaux -Villenoy avec neuf avions en ligne.

Malgré un bon niveau d'entraînement des équipages, la "Drôle de guerre" montre rapidement les limites d'une organisation où tout reste à inventer.

Le procédé est basé sur un système de guet et d'écoute, qui transmet l'alerte à des batteries de projecteurs, qui sont elles chargées d'assurer le guidage des avions.

Cependant, les guetteurs n'ont pas reçu de formation spécifique, et  les transmissions tardent à donner les alertes. On manque de matériels d'écoute et de projecteurs, qui sont eux du modèle 1918 ...

Bref, les avions ne seront jamais dans des conditions favorables d'interception, quand il ne s'agira pas de fausse alerte.

Heureusement, l'activité nocturne de la Luftwaffe reste assez marginale.

Le quotidien de ces vols est à l'image de la première mission de guerre, réalisée le 06/09/39 par l'équipage du Capitaine Treillard (chef d'escadrille) et du Sergent Chef Séghi: décollage à 1h50 du matin dans le brouillard et le black-out total, un vol de 40 mn sans rien trouver, retour au terrain après l’alerte.


Les vols sont effectués par tous les temps, et s'ajoute bientôt des entraînements à la chasse de jour. Les équipages découvrent alors les qualités de maniabilité de leurs appareils , lors des exercices de voltige.

Mais déjà des nominations diminuent à six pilotes, un effectif déjà faible pour assurer l'ensemble des missions.

 
Début 1940, l'équipement en projecteurs "Sperry" n'apporte pas de meilleur solution: trop puissants, ils éblouissent les pilotes !

Au cours du premier trimestre 1940,  l'effectif se renforce quelque peu, malgré la perte d'un pilote sur accident.

L'entraînement se poursuit avec des détachements sur la base de Melun Villaroche, et des exercices de tirs sur manche à Mourmelon.

La 1/13 obtient alors les meilleurs résultats de toutes les escadrilles de nuit.

Nous sommes fin mars, et des exercices à la navigation PSV, en patrouille,  et dans les nuages sont réalisés.

Puisqu'il manque des pilotes, on donne mêmes des leçons de pilotage aux mitrailleurs et radio-navigants!

A partir du 10/05, jour de l'offensive allemande, et après avoir réalisé 33 sorties de nuit, l'ECN 1/13 va être dorénavant engagée exclusivement de jour...


Si les Potez de la F1C et de ECMJ 1/16 connaissent déjà le combat, ce n'est pas le cas de la chasse de nuit. Elle  ne réalise jusqu'au 16/05 que des patrouilles de couverture.


Le baptême du feu c'est pour le 17/05, mais dans une mission d'attaque au sol, afin d'enrayer l'avance allemande...

On peut douter de l’efficacité de ces missions puisque la plupart des Potez n'ont pas encore reçu l'armement renforcé, et le lance bombe ne sert que pour les fusées éclairantes Michelin.

Dix huit avions décollent ce jour là, dont six fournis par l'ECN 1/13. Après avoir été "chatouillés" par la DCA française, la Flak va se charger d'éclaircir les rangs.

L'attaque met néanmoins une belle panique dans les colonnes allemandes, mais c’est au prix de six avions descendus.

Si la 1/13 ne compte qu'un pilote blessé après un atterrissage forcé, les autres escadrilles déplorent six morts. Les avions survivants sont transformés en passoires.

 
Le lendemain 18/05, l'escadrille va enregistrer sa première victoire, en coopération avec le S/Lt Roger Sauvage de l'ECMJ 1/16.


Une patrouille de trois avions, menée par le Cne Treillard force un Heinkel He 111 à l'atterrissage. Comme dans les plus grandes heures de la Grande Guerre, le Cne Treillard se pose à proximité pour tenir en respect l'équipage ennemi, jusqu'à l'arrivée de la troupe, puis il prélève quelques trophées.


Les engagements sont maintenant quotidiens, et dans les  trois jours qui vont suivre, la 1/13 engrange ses cinq victoires dont deux sont comptées probables.

Seuls des bombardiers sont abattus, ce qui confirme les limites du Potez en terme de vitesse, pour s’attaquer aux chasseurs.

Surtout, l'avion doit évoluer dans un environnement hostile à plus d'un titre, puisqu'il est la cible de la Flak, de la chasse, et des mitrailleurs allemands, auquel s'ajoute la DCA et la chasse alliée.

La ressemblance avec le Bf 110 amène son lot de méprises, et les victimes commencent à peser.


Le 21/05: un Potez subit quatre passes successives d'un D 520,  sans broncher dans un premier temps. Mais à la cinquième, pensant avoir à faire à un Allemand, le mitrailleur arrière ouvre le feu, et descend le chasseur français . Il s'agissait en fait du fils du général d'Harcourt qui est retrouvé mort.

Finalement, instruction est donnée le 24/05, pour un agrandissement des cocardes et la peinture d'une bande d'identification blanche sur le fuselage.

Le 25/05, le terrain de Meaux est la cible d'un bombardement qui occasionne des victimes au sein de l'ECN 1/13. De plus, le lieu commence à être encombré.

La 1/13 déménage donc en faisant étape le 26 à Melun Villaroche, pour se retrouver le 28/05 à proximité, sur le terrain annexe de Moissy Cramayel.

Elle y retrouve l'ECMJ 1/16, arrivée la veille .

 

L'emblème de la chauve-souris est hérité des traditions de l'escadrille de bombardement VB 137, datant de la Grande Guerre.

L'avion représenté est le n° 162 qui était précédemment affecté à l'escadrille 1/16

Sur instruction donnée le 24/05/40, une bande blanche a été peinte de part et d'autre de la cocarde afin de distinguer plus facilement le Potez du Messerschmitt Bf 110.

Pour l’époque, c’est un avion particulièrement moderne: de construction entièrement métallique , il possède une voilure cantilever à revêtement travaillant. A ces nouvelles techniques, il faut ajouter une cabine fermée, un train d'atterrissage escamotable, des moteurs avec compresseurs et des hélices à pas variable.

Surtout, l'avion est conçu dès le départ pour une production en série.

Sa conception modulaire permet de construire séparément les sous éléments avant d’être assemblés, tout en étant interchangeables. Ainsi il ne demande que 7500 heures de travail, quand il en faut 18 000 pour un MS 406.

Ceci explique en partie le nombre d'avions produits, à une période où la France doit alors accélérer son équipement.

Pourtant, cela n’empêche pas des retards dans les livraisons, car la production des moteurs, des hélices ou de l’armement, ne suit pas la cadence de celle des cellules.

Contrairement aux constructeurs aéronautiques, les équipementiers n’ont pas été nationalisés en 1936. Or du fait de leur sous équipement par manque d'investissements, ils sont incapables de suivre les cadences nécessaires.

Fin mai, début juin 1940, l'escadrille est basée sur le petit terrain de Moissy Cramayel 

Le premier des 82 Potez 630 est livré en mai 1938, suivi en août du 631, qui comptera 200 exemplaires.


La différence entre les deux versions porte essentiellement sur la motorisation.

Le premier est équipé de deux Hispano Suiza 14Ab développant 720 CV, le second de Gnôme & Rhône de 660 CV.

A 4500 m la vitesse du Potez 630 est de 460 km/h contre 443 km/h pour le 631. En revanche ce dernier grimpe plus vite mais surtout, ses moteurs sont beaucoup plus fiables.

D’ailleurs,  suite à de graves pannes, les Potez 630 seront retirés progressivement des premières lignes, dès l'entrée en guerre.


Lors de la Campagne de France, la Luftwaffe aligne de son côté un véritable chasseur lourd, le Messerschmitt Bf. 110 C.

Avec des moteurs dépassant les 1000 CV, ce dernier possède une vitesse de pointe supérieure au Potez de près de 100 km/h.

Les avions français étaient équipés "d'antennes-sabres": une sur le dos pour l'émission, une autre ventrale pour la réception.