Tupolev SB 2 M-103
38 SBAP   08/1939
Révolutionnaire,  c'est un qualificatif qui pourrait convenir à ce bombardier lorsqu'il fut mis en service en 1936.

Le Tupolev “SB”, était alors le plus moderne et le plus rapide des bombardiers de l'époque.

Monoplan entièrement métallique, il est équipé d'un train escamotable.  Seul le Martin B 10 américain possédait alors des caractéristiques identiques mais avec des performances bien inférieures.

Par arrogance à l'égard des soviétiques,  les occidentaux pensent alors que le SB est une copie de l'avion américain, ce qui est loin d’être le cas. Les premiers engagements de l'appareil dans la Guerre Civile Espagnole vont rapidement finir de les convaincre.

La gestation de l'avion issu d'une commande de 1933,  est réalisée dans les bureaux d'études de Tupolev,  par une équipe dirigée par l'ingénieur A.A. Arkhangelski. Deux prototypes, désignés ANT-40 sont mis en construction, différenciés par leurs moteurs: Wright Cyclone en étoile ou Hispano-Suiza 12Y en ligne.

Si l'avion à moteur américain réalise le premier vol le 07 octobre 1934, c'est finalement la configuration avec les moteurs français qui est adoptée, car elle affiche des performances plus élevées.

Le SB (Skorostnoï Bombardirovchtchik ou bombardier rapide) entre en production en 1936 et les premières livraisons interviennent cette même année. A la fin des années 30, c'est le bombardier produit en plus grand nombre dans le monde. Ainsi, il va participer aux différents conflits de l'époque, préludes à la seconde guerre mondiale. De 1936 à 1941, c'est près de 7000 exemplaires qui sortiront des chaînes. Il sera aussi produit sous licence en Tchécoslovaquie sous la désignation Avia B-71.

L'appareil sera en constante évolution avec 3 versions principales désignées d'après leur moteur Klimov  M-100 (750 ch), M-100A (860 ch) et M-103 (960 ch). Il s'agit des différentes déclinaisons du moteur Hispano Suiza construit sous licence.

Servi par un équipage de 3 hommes, l'avion est destiné au bombardement tactique. En dehors de ses performances, le SB est aussi remarqué pour ses qualités de maniabilité, fait plutôt rares sur ce type d'appareil, avec un rayon de virage particulièrement court.

 

L'engagement des premiers SB 2M-100 en Espagne, date d'octobre 1936. Face à un avion affichant une vitesse de près de 400 km/h en pointe, un plafond maximum de 9 000 m, les biplans nationalistes sont bien désarmés pour intercepter les raids de "Katiuska" (surnom donné alors à l'appareil). Ils  en sont réduits à élaborer des techniques d'embuscades car une seule passe de tir leur est alors permise. Il faut attendre l'arrivée des premiers Messerschmitt 109 à la fin du conflit,  pour trouver un chasseur capable de réaliser des interceptions dans de bonnes conditions.


A partir de 1937, ce sont les japonais qui vont être confrontés aux frappes des Tupolev. Les Chinois en recevront près de 300 afin de défendre leur territoire. Au cours de ce conflit le nouveau modèle SB 2M-100A entre en lice avec une vitesse de pointe portée à 423 km/h, et un rayon d'action dépassant les 2 000 km. Les bombardiers opèrent souvent sans escorte, car au début les chasseurs japonais sont incapables de rattraper un SB.

Les soviétiques pour leur part vont les engager en 1938, lors du conflit les opposant au Japon dans la région du Lac Khasan puis vers la mi-1939 lors des combats du Nomonhan, en Mongolie.

 

Le 05/08, lors d'une mission de bombardement d'un dépôt de marchandise par le 150 SBAP, le SB du Commissaire M.A. Youyoukin est touché par la DCA. Après avoir demandé à son équipage d'évacuer l'appareil, ce dernier dirige son avion chargé de bombes et en flamme, sur un emplacement de DCA.


Après une préparation minutieuse, les soviétiques passent à l'offensive le 20/08, afin de repousser les japonais sur les frontières initiales.

Les attaques des SB combinées aux préparations d'artillerie agissent comme un coup de masse sur les positions japonaises.

La première attaque comprend 150 SB,  qui accompagnés d'un nombre équivalent de chasseurs.  Les premiers attirent et révèlent les positions de DCA qui sont alors traitées par les chasseurs.

Le groupe principal intervient ensuite entre 4000 et 5000 m, dans un ciel dégagé.

Les japonais sont surpris par l'ampleur de cette première offensive qui sera pourtant suivie d'une seconde de 52 SB.

Cette fois les chasseurs Ki-27 interviennent, endommageant 3 bombardiers.

Les SB s'en prennent aux terrains de chasse et aux arrières de l'ennemi mais aussi directement sur le champ de batailles en soutien de l'avance des blindés soviétiques. Les plus fortes pertes sont enregistrées le 21/08 avec 5 appareils abattus par la chasse ou la DCA, les avions évoluant alors à des altitudes plus risquées entre 1200 et 2000 m.

Le 22/08, les défenses japonaises sont percées. Après leur passe de bombardement, les SB reviennent souvent pour un second passage, mitraillant tout ce qui bouge.

Le 23/08, les SB accomplissent 54 missions, mais le 150 SBAP enregistre la perte de son chef, le Commandant Semenov, descendu par la DCA.

L'offensive se poursuit ainsi jusqu'à la fin du mois, et les troupes japonaises sont encerclées sans pour autant vouloir se rendre.

L'activité aérienne ralentie début septembre en raison des conditions météo, et alors que les négociations sont en cours. L'arrêt des combats est décrété le 15 septembre 1939. On estime la perte de SB à 52 avions toutes causes confondues pour 2015 missions de guerre. L'aviation de bombardement s'est montrée particulièrement efficace et le SB a hautement contribué au succès de l'offensive soviétique.

 
Les SB vont poursuivre l'appuie de la contre-attaque des troupes soviétiques, et leur efficacité contribue certainement à l'issue favorable des combats au 05/07. Les japonais sont repoussés sur leurs positions précédentes au prix de plusieurs milliers de morts et de la perte d'une quantité non négligeable de matériel, ces derniers se trouvant acculés pour traverser la rivière.

Du 03 au 05/07 on dénombre une dizaine de SB perdus dans ces actions.

La période de stabilité qui va suivre va être employée à la préparation de la future offensive.

Le 56 SBAP vient grossir les effectifs qui se montent alors à plus de 180 bombardiers SB début août.

Les avions sont alors utilisés dans des missions de reconnaissance lointaine avec une couverture photographique de l'ensemble du théâtre d'opération. Les unités de SB sont aussi employées à marteler méthodiquement les positions, noeuds de communications, gares ferroviaires et les arrières de l'ennemi.

A cette époque, le SB n'a plus l'avantage décisif de la vitesse, mais les escadrilles bénéficient de l'escorte de la chasse, ce qui donne lieu à d'importantes batailles aériennes.

Les japonais connaissant les faiblesses des bombardiers Tupolev, cela oblige alors à effectuer les missions entre 6500 à 7000 m. Cette tactique réduit alors la perte de SB, mais la précision des bombardements s'en ressent. On se rend compte du manque de protection des réservoirs d'ailes, notamment après la perte de 4 avions du 150 SBAP le 27/07, 3 ayant pris feu après avoir subis le tir de la chasse japonaise. D'autres avions sont aussi détruits sur accident car une bonne partie des pilotes manquent encore d'entraînement.

La diversité au sein des escadrilles entre des modèles de SB aux performances différentes, empêchent les formations de rester compact.

L'avantage de la vitesse ayant disparu, l'armement défensif montre ses limites, notamment avec le poste de défense arrière. Les armes dorsales et ventrales sont en effet actionnées par un seul homme...

On déplore enfin le manque de fiabilité des postes de radio qui sont souvent démontés et même le système de communication interne pneumatique est généralement inutilisable.

 

C'est pourtant le chant du cygne pour l'appareil soviétique qui va connaître ses premiers déboires dès la fin de cette même année 1939.

En effet, la guerre qui débute en Finlande le 30 novembre voie les pertes de SB considérablement augmentées.

Les pilotes Finlandais utilisent à merveille différentes tactiques qui exploitent les déficiences de l'appareil.

Le manque de préparation de la plupart des pilotes russes est aussi mis à l'index. Au total c'est plus de 200 SB qui sont ainsi abattus lors de cette campagne, dont la moitié, victimes des chasseurs adverses.

Pourtant les performances ont encore été améliorées avec l'installation d'une tourelle au poste arrière et des fuseaux moteurs plus aérodynamiques: ainsi la vitesse de pointe peut atteindre 450 km/h.

Au déclenchement de l'invasion allemande, le SB représente encore l'essentiel des unités de bombardement soviétique. La plupart des avions seront détruits au sol, lors de l'attaque surprise des terrains par la Luftwaffe.

Ironie de l'histoire, le Tupolev SB aurait pu aussi équiper l'Armée de l'Air française. Des pourparlers sont en effet en cours dès 1936 afin de combler l'état pitoyable de notre aviation de bombardement.

Pour des raisons essentiellement politiques et de mépris de la part de la hiérarchie militaire, la France privilégie essentiellement les constructeurs  américains.

Leurs avions ne seront pourtant pas forcément plus performants. Payés beaucoup plus chers ils ne seront surtout jamais livrés dans les temps...

 
Au début du conflit en Mongolie, le seul régiment de bombardiers présent sur place,  vient d'être équipé en  SB 2M pour devenir le 150 SBAP (régiment aérien de bombardement rapide).

Généralement ce type d'unité est équipé d'une soixantaine d'avions et divisée en 5 escadrilles.

Dès les premiers combats de mai 1939, le 38 SBAP arrive aussi en renfort.

Ces unités sont équipées en partie avec le nouveau modèle doté d'un moteur plus puissant : le SB 2M-103. Cette série ou lot n° 96, se distingue aussi par un renforcement de sa structure, ainsi que d'améliorations diverses de son équipement, mais son allure générale reste proche des modèles précédents. Surtout, on a installé des fixations de voilure, portant la charge maximum de bombes à 1500 kg.

Les équipages entament leur conversion et n'ont pas l'expérience des combats, ce qui explique que les bombardiers ne vont pas intervenir au cours des mois de mai et juin. Seules quelques missions de reconnaissances sont réalisées mais sans grand résultat car les appareils n'ont pas encore reçu leur équipement photographique.

Au cours de cette période, les pilotes japonais prennent le dessus, et l'état-major soviétique décide alors d'envoyer dans les différentes unités, des équipages ayant acquis l'expérience des combats en Espagne et surtout en Chine.

Les premières missions de bombardement sont réalisées à partir  du 22/06/39, et le 24/06 les Nakajima Ki-27 interceptent un raid de 23 SB qui perdent un des leurs mais en abattant un chasseur japonais.

L'activité va alors s'accélérer pour les bombardiers soviétiques lorsque les troupes japonaises traversent la rivière Khalkhin Gol le 03/07/39. Ce sont alors 73 SB qui sont envoyés sur les positions tenues par les troupes japonaises, larguant leurs projectiles de 100 et 250 kg  depuis une altitude de 3000 m. Protégés par les I-16, ils ne perdront qu'un seul avion, abattu par les chasseurs japonais.

 

Sources:

“Les bombardiers soviétiques Tupolev SB”, ouvrage collectif,(Editions TMA),

Revue “Batailles Aériennes” n°50: “Etoile rouge contre soleil levant”, Vladimir Koltelnikov,

“Tupolev SB”,  Mikhail Maslov, (Icarus Aviation Press),

“Tupolev SB in action” . HH Stapfer (Squadron/Signal publications),

“Tupolew SB”, W. Kulikow & R Michulec, (monographie n°83 AJ-Press)

Divers sites sur Internet.