Supermarine Spitfire Mk I
N° 92 Squadron 05/1940



Sans aucune contestation possible, le Spitfire est bien l'avion de combat de plus célèbre de tous les temps et donc le mieux connu du grand public. Difficile de résumer en quelques lignes ce que fut ce symbole de l'avion de chasse, et qui fit la gloire de  la RAF.

Sans tenir compte des soviétiques, c'est bien l'avion allié construit en plus grand nombre d'exemplaires. Entré en service avant la déclaration de guerre, il a traversé toute la durée du second conflit mondial, faisant l'objet d’améliorations constantes.

Son créateur, l'ingénieur Reginald Mitchell, s'était rendu célèbre à la fin des années vingt, pour avoir conçu les hydravions de courses qui permirent à la Sté Supermarine et à la Grande-Bretagne,  de remporter trois fois la Coupe Schneider

Afin de répondre à un programme du ministère de l'air Britannique, au début des années trente, cet ingénieur finit par aboutir au type 300. Ce prototype qui prenait son envol le 5 mars 1936, combinait tout ce qui faisait le "nec plus ultra" du chasseur: monoplan à train escamotable, cockpit fermé, construction entièrement métallique etc.

Il était équipé du moteur Rolls-Royce le plus évolué, le célèbre "Merlin".

D'une ligne particulièrement élancée, son aile elliptique était sa principale caractéristique.

Bien que plus difficile à construire, la principale raison d'être de cette forme était de pouvoir loger quatre mitrailleuses, tout en conservant un bon profil aérodynamique. Cette aile s'avéra particulièrement efficace, conservant de bonne qualité de manoeuvrabilité à toute altitude. L'avion se révéla néanmoins plus difficile à fabriquer que prévu et les premières livraisons de la série ne commencèrent qu'à partir de juillet 1938.

 

Le modèle Mk 1 qui nous intéresse ici,  est le premier à être utilisé en opération.

A la déclaration de guerre, neuf squadrons de la RAF en sont équipés et le modèle a déjà subi plusieurs  améliorations.

L'hélice est devenue tripale, la verrière adopte une forme plus bombée afin d’améliorer la visibilité.

La plupart des modifications sont dictées par les enseignements des premiers combats avec la nécessité de mieux protéger le pilote: le pare-brise devient pare-balle et divers plaques blindées sont ajoutées.

C'est finalement 1567 Mk 1 qui vont sortir des chaînes.

Le moteur Rolls-Royce Merlin II puis III de 1030 CV, lui permet d'atteindre une vitesse de 583 km/h à 5640 m d'altitude.

Ces performances le rapproche ainsi de son rival, le Messerschmitt Bf 109 E, tout en ayant une meilleur maniabilité, particulièrement en virage.

Il grimpe et pique moins vite que le chasseur allemand et la puissance de feu de ses huit mitrailleuses de 7,7 mm se montre inférieure aux canons du Bf 109.

C'est cependant ce type Mk 1 qui forge le mythe du Spitfire lors de la Bataille d'Angleterre.

Pourtant, c’est bien le Hawker Hurricane qui supporte la plus grande partie des engagements, étant présent en plus grand nombre au sein de la RAF. L'analyse des pertes montre que le Spitfire a deux fois plus de chance de survivre à un contact avec l'ennemi.

 


Le Spitfire ne fut pratiquement pas engagé pendant la Campagne de France.

L'Air Chief Marshall Hugh Dowding, le chef du Fighter Command, préfère conserver son chasseur le plus performant pour la défense du ciel Britannique. Si quelques interceptions de bombardiers sont réalisées, les missions sont essentiellement cantonnées à des patrouilles ou d'escortes d'avions civiles transportant des VIP.

C’est lors des opérations d'évacuation de la poche de Dunkerque que le Spitfire va connaître véritablement le combat.

Il va alors se mesurer pour la première fois aux chasseurs de la Luftwaffe, les Messerschmitt Bf. 109 et Bf. 110.


L'avion qui est représenté sort des chaînes de montage pour effectuer son premier vol le 16/01/1940. Il porte le n° de série N3290 et c'est le 503e Spitfire assemblé.

Il est livré le 20/03/1940 au n° 92 Squadron. Cette unité dissoute après la première guerre mondiale, est reformée le 10/10/1939 pour des missions de chasse de nuit. Elle est équipée pour cela de bimoteurs Bristol Blenheim IF.

Son chef, le Squadron Leader Roger Bushell, un homme à forte personnalité, va alors s'efforcer de rendre son unité opérationnelle. Après une période d'entraînement intensive, c'est en mars 1940 que le Squadron est alors équipé en Spitfire MK 1. Les entraînements se poursuivent jusqu'au 09 mai, date à laquelle l'unité est déclarée opérationnelle pour être basée à Northolt.

Les premières missions sont de routine, notamment le 16/05/1940 où le N3290, piloté par le Pilot Officer Holland, participe à l'escorte de l'avion de Churchill. Suite à la percé du front par les armées allemandes, ce dernier se rend en effet au Bourget, pour une importante réunion avec le gouvernement français, .

 
Alors que les Britanniques commencent à se replier vers le Nord de la France, les unités du corps expéditionnaire de la RAF, procèdent à leur évacuation  du continent. Afin de mieux couvrir le secteur, les squadrons du Sud de l'Angleterre sont donc amenés à intervenir au delà de la Manche.

C'est ainsi que le 92 Sqn est déplacé sur le terrain de Hornchurch pour devenir un des premiers squadrons de Spitfire à engager des chasseurs ennemis.

Le 23/05 est un grand jour car les pilotes et leur commandant vont alors  connaître leurs premiers combats aériens.

Il est près de 11H00, lorsque les douze Spitfire décollent pour une patrouille le long des côtes françaises entre Boulogne et Dunkerque. Tout le monde a été informé qu'il faut s'attendre à rencontrer l'adversaire.

Allan Richard Wright se rappelle d'une belle journée. Alors qu'il admire le ciel bleu, le soleil qui scintille sur la mer et les longues plages de sable jaune, il remarque neuf avions qui brillent en dessous et à droite de sa formation. Ces derniers commencent à grimper dans sa direction lorsque quelqu'un s'exclame "Me 109 !".

Dès les premiers tirs, l’avion de Pat Learmond est abattu (pilote capturé). Les anglais sont encore inexpérimentés et ils perdent alors leur sens de la discipline. La formation se désagrège dans toutes les directions et le combat se transforme en une série d'engagements individuels. Malgré les injonctions à se taire du Sqn/Ldr Roger Bushell, la radio est encombrée du bavardage de ses hommes. L'engagement est bref et les 11 Spitfire restant sont de retour à leur base pour midi.

Les pilotes revendiquent alors deux Bf 109 abattus et quatre probables sachant que le n°54 Sqn, présent sur le secteur à la même heure, en revendique pour sa part trois certains et trois probables. Cela étant, le I/JG 27 qu'ils ont combattu ne perd pour sa part que quatre avions... Nos jeunes pilotes ne ce sont finalement pas trop mal sortis de leur premier engagement. Robert Stanford-Tuck, qui deviendra par la suite un des plus grand as de la RAF, inscrit à cette occasion sa première victoire.

 

Sources:

“Les Victoires de l’Aviation de Chasse Britannique”, Arnaud Gillet,

“Ciel de Guerre n° 9” et “Batailles Aériennes” n° 8,

“Le Fanatique de l’Aviation” n° 110 et 111,

“Spitfire Mk I/II Aces”, Alfred Price (Osprey),

“L’Atlas des Avions de Légende” (Editions  Atlas),

Divers n°  de la revue  WingMasters,

Internet.


Les pleins faits, les avions endommagés remplacés, c'est à peine remis de leurs émotions que les pilotes décollent à 14h00 pour une mission sur le même secteur.

Notre Spitire N3290 fait parti du dispositif, il est alors piloté par le Flying Officer John Gillies.

Ce dernier est le fils d'un célèbre chirurgien, Harold Gillies, considéré comme le père de la chirurgie plastique.

Cette seconde mission va se terminer de façon beaucoup plus dramatique pour le 92 Sqn. Il se fait surprendre par une importante formation de Messerschmitt  Bf 110 du II/ZG 76, le célèbre groupe des "Requins".  Le Sergent Paul Klipsch est aussitôt tué aux commandes de son Spitfire qui percute le sol.

Le Sqn/Ldr Roger Bushell ordonne alors à ses hommes de tenir la formation et d'attirer les ennemis par un virage à gauche puis de rompre brutalement sur la droite afin de se retourner contre l'adversaire.

Il semble donc que les Bf 110 n'ont pu tirer profit de leur avantage.

Cependant la belle discipline radio est de nouveau rompu et Bushell est alors bien trop occupé  avec plusieurs Bf 110 dans sa queue.

Touché, il doit finalement se poser en catastrophe dans un champ. Ces deux victimes seront revendiqués par Günther Specht, un as allemand qui comptabilisera jusqu'à 34 victoires. Un troisième Spitfire est ensuite abattu, le N3290 de Gillies qui fait lui aussi un atterrissage forcé. Notre avion termine là sa courte carrière après 96 heures de vol seulement. Il est ainsi un des tout premiers Spitfire abattus par la chasse adverse.

 

Nos deux pilotes sont capturés mais s'il fallait retenir un nom, c'est bien celui de Roger Bushell.

Cet homme est en effet devenu célèbre pour ces divers tentatives d'évasion et notamment celle du stalag Luft III, immortalisée par le film "La Grande Evasion". Surnommé "Grand X", il est le cerveau de toute l'organisation. Il finira malheureusement assassiné sur ordre d'Hitler lui-même, comme cinquante de ses compagnons repris.

A ces trois pertes, il faut ajouter celle du Flight Lieutenant CP Green qui, blessé, parviendra néanmoins à ramener son avion endommagé.

Face à ce qu'il faut bien appelé une hécatombe, le 92 Sqn revendique six Bf 110 sûrs et cinq probables. Toutefois ce score apparaît bien improbable car une seule perte est enregistrée du côté Allemand, le Bf 110 du Leutnant Werner Guth. Cette victoire est d'ailleurs attribuée fort justement  à Stanford-Tuck.

Ces épisodes de revendications gonflées et officialisées par l'état major sont symptomatiques lorsque la nécessité de remonter le moral des troupes ou de la population est en jeu. Et c'est bien le cas à cette époque pour ce squadron. Toutes les forces aériennes ont eu recours à ce subterfuge, sachant que le concept même de l'as est né de la propagande...

Après l'épisode de Dunkerque, le 92 Sqn sera retiré momentanément du secteur le plus actif, pour y revenir en septembre 1940 et participer à la phase finale de la Bataille d'Angleterre.

 

Selon Stanford-Tuck, c’est juste avant la journée du 23/05 que les Spitfires du 92 squadron reçurent leur pare-brise blindé, mais pas encore de plaque dorsale.

Le dessous peint en noir et blanc servait à faciliter l’identification depuis le sol.

Le petit carré jaune sur l’aile,  est un réactif destiné à détecter l’éventuelle présence de gaz de combat

Le destin final du N3290. Vu l’état du cockpit, son pilote a certainement saboté son appareil avant de l’évacuer.

A la fin du mois de mai 1940, le code GR du n°92 squadron sera changé en QJ