Mitsubishi G3M2 “Nell”
Genzan Kokutai 2e Chutai 12/1941



C'est sous la pression de l'amiral Yamamoto que fût développé pour la marine, cet appareil à long rayon d'action.  Il devait être capable d’intervenir sur des d'objectifs situés dans la sphère d'expansion japonaise.

En réponse à ce programme, Mitsubishi présenta le Ka-9, appareil de reconnaissance , dont certains aspects se ressentaient  de l'influence du constructeur allemand Junkers.


Suite au premier vol d'avril 1934, le Ka-9 manifesta d'emblée de remarquables possibilités avec notamment une portée maximale de 6 000 km.

Ces performances suscitèrent l'enthousiasme de la marine, qui demanda à Mitsubishi de mettre à l'étude une version de bombardement et d'assaut.

Afin de répondre au nouveau cahier des charges, plusieurs modifications furent apportées : fuselage agrandi pour permettre l'installation des postes de défense, empennage plus important et un train d'atterrissage renforcé, ceci afin de pouvoir emporter une charge offensive de 800 kg.

Le nouveau prototype désigné Ka-15, fit son premier vol en juillet 1935.

Répondant à toutes les espérances, il dépassait tous les autres appareils occidentaux du même type à l’époque.

 

Bénéficiant d'un vaste programme de développement avec pas moins de 20 prototypes supplémentaires, l'avion est produit en série à partir de 1936.

Sa désignation est : bombardier d'attaque de la marine type 96 "Rikko" , bien mieux connu comme G3M, ou encore "Nell" pour les alliés.

La première version  G3M1 (ou modèle 11) est produite à seulement 34 exemplaires.

Avec 2 moteurs en étoiles de 14 cylindres Mitsubishi  Kinsei de 790 CV, il peut atteindre  348 km/h à 2000 m.

C'est surtout un avion très moderne lors de sa mise en service en 1937, qui possède d'excellentes qualités manoeuvrières en plus de son formidable rayon d'action dépassant les 4 000 km.

La défense est assurée par deux tourelles dorsales et une ventrale qui sont rétractables et équipées chacune d'une mitrailleuse de 7,7 mm.

La charge de bombe ou de torpille, d’un poids de 800 kg, est portée entièrement à l'extérieure, sous le fuselage.

Rapidement, la version G3M2 entre en production avec des moteurs dont la puissance est portée à 1075 CV. Désignée modèle 21, cette série est produite à 343 exemplaires.

Les premières opérations vont montrer la nécessité d'améliorer la défense. La tourelle ventrale est alors supprimée et l'on ajoute deux postes de tirs latéraux, à l'arrière du fuselage. Puis s'ajoute un poste de tir dorsal armé d'un canon de 20 mm, en remplacement d'une des tourelles. L'équipage passe de 5 à 7 hommes.

Ce nouveau G3M2 désigné modèle 22, est produit à 238 exemplaires par Mitsubishi et 220 par Nakajima.  La vitesse de pointe atteint 373 km/h à une altitude de 4180 m. Elle est portée à 415 km/h à 5900 m sur une nouvelle série G3M3, grâce à des moteurs Kinsei de 1200 CV. Cette dernière version est produite à 192 exemplaires par Nakajima à partir de 05/1942 jusqu'à 02/1943. En tout, l'avion sera produit à 1048 exemplaires.


Exploitant  la fabuleuse autonomie de l'appareil,  deux douzaines de G3M2 sont convertis à partir de 1938 en version civile.

Un de ces appareils est utilisé pour un tour du monde entre août et septembre 1939, montrant ainsi le potentiel de l'aéronautique japonaise.

 

Cela fait deux jours que les marines ennemies se cherchent mutuellement.

Le matin du 10/12, les japonais font décoller plusieurs avions en reconnaissance.

Ils précèdent une force composée de 58 G3M des Mihoro et Genzan Kokutai ainsi que 26 G4M "Betty" du Kanoya Kokutai.

Tous ces avions décollent d'Indochine, armés de bombes ou de torpilles.

C'est d'abord un navire de l'escorte, le destroyer HMS Tenedos, qui est repéré et attaqué par un C5M2, mais sans succès.

Les neuf G3M du 3 chutai (escadrille) du Genzan Ku le découvrent à leur tour, mais le navire échappe aussi à leurs bombes de 500 kg. Ce dernier prévient aussitôt l'amiral Philips qui commande la Force Z, mais il est déjà trop tard.

En effet, un Nell de reconnaissance du Genzan Ku a suivi l'hydravion du Repulse, alors en patrouille anti-sous-marine. Découvrant le gros de la flotte, l'avion japonais signale aussitôt sa position exacte à tous les bombardiers en maraude.


Une première attaque est portée sur le Repulse  à 11h15,  par huit bimoteurs du Mihoro Ku (1 chutai). Ils larguent des bombes de 250 kg dont une fait mouche en son centre. Deux avions sont touchés par la DCA et prennent le chemin du retour, les autres se préparent à une seconde passe.

Un second groupe arrive à cet instant sur les lieux, il s'agit du 1 Chutai du Genzan Ku dont les avions sont équipés de torpilles. Ils se lancent sur le Prince of Wales : 5 avions attaquent sur bâbord et 3 sur tribord. Deux torpilles font mouche, mais surtout le navire est touché aux hélices et devient incontrôlable.

Ironie du sort, le bâtiment britannique est endommagé de la même façon que le Bismark, le cuirassé allemand qu'il avait combattu quelques mois auparavant.

Le 2 Chutai du Genzan Ku arrive ensuite et attaque cette fois le Repulse. Ce dernier évite toutes les torpilles des 8 bimoteurs et 4 avions sont touchés par la DCA.

Les 6 avions restants du Mihoro Ku prononce leur deuxième attaque sur ce navire , toujours sans succès, de même pour le 4 chutai de ce groupe dont les torpilles manquent leur cible.

 
A la veille de l'entrée en guerre, la marine impériale dispose de 204 G3M dans ses unités de première ligne.

Fin 1941, c'est un avion devenu obsolète, il va pourtant connaître à cette époque son plus haut fait d'arme, en participant à l'attaque de la flotte Britannique, au large de la Malaisie.


L'avion représenté fait partie du Genzan Kokutai (groupe aérien de la marine), unité formée en 1940 et comme son nom l'indique, à Genzan en Corée.

C'est une formation mixte composée de bombardiers et de chasseurs Mitsubishi A5M, chargés de les escorter.

Transférée en Chine début 1941, elle réalise sur ce théâtre d'opération des bombardements stratégiques.

En septembre de cette même année, elle retourne en Corée et bénéficie alors d'une formation poussée sur le largage de torpille, de jour comme de nuit.

Dans les derniers mois de 1941, le groupe fait mouvement sur Saïgon, en Indochine Française, pour se préparer à l'offensive contre la Malaisie.

Le Genzan Kokutai compte alors 36 Nell dans ses rangs.


Le 08/12/41,  au déclenchement des hostilités, une première mission sur Singapour, doit être abandonnée à cause de la météo. Mais quelques Nell du Mihoro Kokutai parviennent à surprendre les défenses de la ville, illuminée comme en temps de paix. Les Britanniques n'imaginent pas que l'aviation japonaise est capable de les atteindre.

Ces deux groupes vont en revanche participer à l'attaque de la Force Z, la force navale Britannique défendant Singapour. Cette dernière est alors chargée d'intercepter la flotte d'invasion japonaise, avec ses deux vaisseaux de première ligne que sont le cuirassé Prince of Wales et le croiseur de bataille Repulse.

 

Les G4M1 du Kanoya Ku se présentent à leur tour.  Le premier groupe attaque le Prince Of Wales, incapable de se diriger. Sur les 6 torpilles larguées, 4 atteignent leur cible.

Les autres avions du Kanoya Ku s’en prennent alors au Repulse : 6 torpilles à tribord et 3 sur bâbord. Cette fois le navire ne peut toutes les éviter. Son commandant ordonne alors d'abandonner le bâtiment qui coule à 12h30 avec 513 marins.

Un quart d'heure plus tard, une dernière attaque est fatale pour le Prince of Wales. 17 G3M du Mihoro Ku larguent leurs bombes, dont la plupart manquent leur cible sauf une de 500 Kg qui scelle le sort du cuirassé. A 13 h10 la navire est immobilisé et sombre en dix minutes, emportant 325 hommes et l'amiral au fond du Pacifique.

Lorsque les Buffalo de la RAF parviennent sur le site, ils ne peuvent que constater le désastre. Les avions japonais sont déjà en route pour Saïgon et ils n’ont finalement perdu que 3 avions.







Pour la première fois en pleine mer, les navires les plus puissants d'une marine sont coulés uniquement par l'action de l'aviation. Une nouvelle ère de la guerre sur mer s'ouvre alors : la fin de la suprématie des cuirassés.

Mais dans l'immédiat, les alliés ont perdu les seuls bâtiments puissants en état de combattre dans tout le pacifique.



Le Genzan Ku comme le Mihoro vont poursuivre leur appui dans l'invasion de la Malaisie, en bombardant les aérodromes et la ville de Singapour notamment.

Plus généralement,  les G3M seront encore utilisés dans les offensives contre les Indes Néerlandaises, les Philippines, Rabaul et participent au bombardement de Darwin en Australie.

A partir de 1943, le Nell est retiré des unités de première ligne et ne sera utilisé que pour l'entraînement, le transport ou encore les patrouilles maritimes.


Le G3M reste un appareil marquant de la marine japonaise : son exceptionnel rayon d'action lui donnant une capacité d'intervention que les alliés ne soupçonnaient pas.

 
Dès leur entrée en service en juillet 1937,  les "Nell" sont rapidement engagés dans des opérations au cours de la guerre sino-japonaise.


Le grand rayon d'action de ces machines leur vaut d'être employées pour des missions en profondeur. Partis du Japon ou de Formose, sur des objectifs en territoire chinois, ces avions réalisent ainsi les premiers bombardements “transocéaniques", franchissant par delà la Mer de Chine des distances de plus de 2 000 km.

Paradoxalement, les performances de l'avion  révèlent aussi ses faiblesses avec des conséquences néfastes.

En effet, au début du conflit, aucun chasseur japonais ne possède l'autonomie suffisante pour fournir une escorte. Les bombardiers exécutent seuls ces missions en territoire hostile et les pertes se révèlent importantes.

La  chasse chinoise est bien organisée face à des G3M dont la défense est insuffisante et avec des réservoirs non protégés qui s'enflamment rapidement.

L'offensive de bombardement doit être interrompue, jusqu'à ce qu'un nouveau chasseur possédant l'autonomie suffisante, entre en service.

Les unités de G3M sont alors transférées sur le territoire chinois, pour reprendre leurs missions une fois la chasse adverse balayée hors du ciel.

L'état major décide d'utiliser ses bombardiers dans des raids de terreur, principalement sur des villes.  La technique du "tapis de bombes" occasionne de nombreuses pertes civiles.

Cette campagne de bombardement intense va entraîner des protestations internationales, notamment des Etats Unis qui vont imposer les premières sanctions économiques contre le Japon. Pour autant elle va se poursuivre jusqu'à la fin de 1941, au moment où la marine japonaise transfert ses unités hors de Chine, en prévision du conflit qui va s'ouvrir dans le Pacifique.

 

Sources:

“96 Rikko”, Richard M.  Bueschel;

“Aircam Aviation series” n°35,

“Famous airplanes of the world” n°91,

Revue “Batailles Aériennes” n°40: “La ruée japonaise”,

Divers sites Internet.