Lockheed Hudson Mk IV
N° 8 Squadron RAAF 12/1941
Genèse et présentation.


Réussir un avion militaire à partir d'un appareil civil reste peu courant, mais cela fut bien le cas pour le Lockheed Hudson.

Les progrès dans la conception d'avions de ligne furent importants au milieu des années 1930, notamment aux Etats Unis où plusieurs appareils entièrement métalliques  sont mis en service.

La firme californienne Lockheed développe à cette époque une série de bimoteur de transport rapide comme le  L-12 Electra puis en 1937 le L-14 Super Electra.

Ce dernier modèle se rend célèbre lorsque, piloté par Howard Hughes, il fait le tour du monde en moins de 4 jours.

Face à la montée en puissance de l'Allemagne, français et anglais cherchent aux Etats Unis les avions nécessaires pour un réarmement rapide.

Ainsi en avril 1938, Lockheed développe en quelques jours une version militaire de son Super Electra et la présente à une commission d'achat britannique.

La RAF cherche alors un avion destiné à remplacer l'Avro Anson, pour les patrouilles côtières et l'entraînement à la navigation.

Le prototype vole le 10/12/1938, alors qu'une commande est déjà passée pour un total de 250 avions.

Cette première version Mk I est équipée de moteurs en étoile à 9 cylindres Wright Cyclone 1820G développant 1100 cv au décollage. Elle peut atteindre la vitesse maximum de 396 km/h à 2000 m. Le rayon d'action dépasse les 2700 km et le plafond en charge peut atteindre 6400 m. L'avion est armé de 2 mitrailleuses Browning de 7,65 mm dans le nez et 2 autres dans une tourelle Boulton Paul. La soute interne peut emporter jusqu'à 726 kg selon le type de charge offensive.

D’autres versions vont suivre et se distinguent selon la motorisation, certaines avec des Pratt et Whitney, mais aussi en fonction de l'équipement ou de l'armement. Le Mk III par exemple possède un poste de tir ventral, et on installe aussi des mitrailleuses en sabords latéraux.

 


Les commandes vont rapidement suivre, notamment des pays du Commonwealth comme l'Australie ou le Canada, ainsi que des Etats Unis.

A l'arrêt de la production en mai 1943, 2 940 exemplaires seront sortis des chaînes, les britanniques utiliseront les deux tiers de la production.

De ce total, 1302 avions seront construits sous financement américain, dans le cadre de la procédure du Prêt bail (lend lease).

Malgré des origines fort peu belliqueuses, le Hudson va se tailler un rôle considérable et se distinguer à plusieurs reprises.

L'avion n'est pas considéré comme facile à maîtriser, notamment lors des décollages et des atterrissages. Il possède en revanche un bon comportement une fois en vol.

Son confort est apprécié et il est surtout jugé très fiable.


Les 250 premiers exemplaires destinés à la RAF sortent des chaînes moins d’un an après le vol du prototype, le premier exemplaire étant livré en mai 1939 au n° 224 squadron basé en Ecosse.

A la déclaration de guerre le 03/09/1939, deux squadrons du Coastal Command sont équipés de Hudson, chiffre qui se montera jusqu'à un pic de 17 squadrons.


 

En service à la RAF.


Chargé de surveiller les côtes britanniques en Mer du Nord, le Hudson est le premier appareil de la RAF à combattre un avion de la Luftwaffe, le 04/09/39, lors d'une confrontation avec un hydravion Dornier 18.

Puis le 08/10/39, c’est un autre appareil allemand de ce type qui tombe, victime d'un Hudson.

C’est alors la première victoire d'un avion de fabrication américaine, en service au sein de la RAF.


A partir de janvier 1940, les Hudson sont équipés de radars ASV de surveillance maritime.

Aux patrouilles côtières s'ajoute les missions d'attaque des installations et du trafic maritime allemand, notamment lors de l'invasion de la Norvège.

Ces attaques réalisées à hauteur de mats sont particulièrement dangereuses et plusieurs pertes sont à déplorer.

Mais c’est un total de 56 navires marchands coulés qui peut être attribué aux squadrons de Hudson.


Les bimoteurs participent à la couverture de l'évacuation de Dunkerque.

Le 01/06/1940, le 220 Sqn revendique la destruction de trois Ju 87 et le 03/06 ce sont deux Bf 109 qui le sont par des avions du 206 Sqn.

A partir du mois d'août 1940, la lutte anti-sous-marine devient la principale mission des Hudson. Ils vont y démontrer leur efficacité.

Le 27/08/41, un fait marquant est la première reddition d'un sous-marin dans l'Atlantique, grâce à l'action d'un Hudson du 269 Sqn. Le U-570 sera ainsi capturé intact et utilisé ensuite par la marine britannique.

L'avion est bien entendu engagé en Méditerranée qui est un fructueux terrain de chasse pour le bimoteur. En mai 1943 un appareil du 608 Sqn envoie par le fond un U-Boot à coups de roquettes, et c'est là encore une première.

C'est aussi avec des Hudson que les américains coulent leurs premiers sous-marins allemands.

Si le bimoteur participe à des bombardements plus classiques, c’est un peu la bonne à tout faire de la RAF : sauvetage en mer, largage de troupes aéroportées et il mène sur le continent européen des missions secrètes au profit de la résistance.

En avril 1945, La RAF retire les derniers Hudson de ses unités de première ligne.

 
La commande australienne.


En Asie comme en Europe, le Hudson fait parti des premiers avions à entrer en opération.

Dès le début du conflit, ils sont fortement engagés dans des missions de patrouilles maritimes mais aussi d'attaque au sol et de bombardement.


Les principaux utilisateurs dans cette partie du monde sont les australiens.

En effet, en octobre 1938, ces derniers avaient passé commande auprès de Lockheed, d'un premier lot de 50 appareils désignés Mk I puis d'un second du même nombre, Mk II.

Le modèle sera ensuite appelé Mk IV afin d'éviter la confusion avec les avions de la RAF.

Ils se distinguent de la version Britannique par l'adoption de moteur Pratt et Whitney R-1830 "Twin Wasp".  Il s'agit là d'un 14 cylindres en double étoile qui développe une puissance de 1050 CV au décollage.

Les livraisons commencent en février 1940, elle seront suivies en 1942 par celles issues des contrats "lend lease" : 52 Mk IVA et une centaine de MK IIIA, dénominations permettant de distinguer les avions sur financement américain.


Début décembre 1941, la RAAF dispose de 77 Hudson dont 24 sont basés en Malaisie au sein de deux unités : les n° 1 et 8 RAAF squadron, qui sont arrivées à Singapour au cours de l'été 1940.

L'avion représenté fait partie de la seconde série de la commande australienne.  Expédié par bateau des Etats Unis le 03/04/1940, il est alloué au 8 RAAF Sqn le 27/06/1940. C'est l'occasion d'évoquer l'engagement des Hudson face à la ruée japonaise sur cette partie du Pacifique.

 
Le débarquement japonais en Malaisie.

Au déclenchement des hostilités, le 1 RAAF Sqn est basé à Kota Bahru, au nord est de la Malaisie, près de la frontière Thaïlandaise, et le n°8 à Kuantan, 350 km plus au Sud. 
Ces deux bases ont la particularité d'être situées près des côtes, un avantage pour lancer des patrouilles maritimes, mais une position vulnérable en cas de débarquement.
Alors qu'une armada aéronavale se dirige vers Hawaii, une flotte d'invasion japonaise appareille le 04/12/1941, avec pour destination la Thaïlande et le nord de la Malaise. 
Les Britanniques se doutent bien de quelque chose mais le mauvais temps empêche toute reconnaissance aérienne les 4 et 5 décembre.

Le 06/12 une patrouille de 3 Hudson décolle de Kota Bahru pour surveiller leur secteur en Mer de Chine.  A 12h15, l'équipage du F/Lt Ramshaw est le premier à détecter le convoi naval mais rien ne permet de connaître sa future destination.
Voulant éviter une "provocation", l'état-major se contente de placer ses unités en alerte plutôt que de poursuivre la surveillance du convoi. Les patrouilles de l'après-midi ne parviennent pas à retrouver les navires.
Le 07/12, un Catalina en reconnaissance est abattu avant de pouvoir contacter sa base, les 8 hommes de son équipage sont les premiers tués de la guerre du Pacifique.
Malgré le mauvais temps, plusieurs reconnaissances sont effectuées, et dans le milieu de l'après-midi c'est cette fois un Hudson du 8 RAAF Sqn qui repère un navire. Deux autres avions décollent alors de Kota Bahru pour constater que d'autres navires se rapprochent de la côte,  mais ils s'en éloignent après avoir reçu quelques tirs de DCA. Cependant l'état-major britannique ne réagit toujours pas.



Finalement le 08/12/41 à 2h15 du matin (heure de Tokyo),  les japonais débarquent sur les plages de Kota Bahru.

Compte tenu du décalage horaire (le 07/12 à Hawaii) c'est donc en Malaisie, 70 minutes avant Pearl Harbor, que la guerre dans le pacifique a commencé.

Les 7 Hudson du 1 RAAF Sqn décollent à 2h08 du terrain de Kota Bahru et attaquent aussitôt les navires au ras des vagues.

Le F/Lt Lockwood largue deux bombes sur l'Awagisan Maru, un transport de troupe.

Les autres appareils suivent et plusieurs coups au but sont constatés mais la DCA est aussi présente. Le Hudson du F/Lt Leighton-Jones est touché et il s'écrase directement sur une barge tuant ses occupants et l'équipage.

Les avions font plusieurs aller et retour entre leurs objectifs et leur base pour se ravitailler, une fois leurs munitions épuisées.

Ils parviennent finalement à toucher les trois vaisseaux de transport japonais à plusieurs reprises.

Des passes de mitraillage sont aussi effectuées sur les barges et les plages, le tout de nuit, à la lueur de la pleine lune, des explosions et des fusées éclairantes.

Au cours de la troisième vague, un autre Hudson est touché. Piloté par le F/Lt Ramshaw , il a pris pour cible un navire de guerre fortement défendu par sa DCA. Avant même de terminer sa première passe, l'avion s'abîme en mer. De l'équipage, seul l'observateur, le F/Off Don Dowie en sortira vivant. Après deux jours de naufrage, il sera capturé pour devenir le premier prisonnier de guerre de la RAAF.

Après cette noria, une reconnaissance est effectuée par le F/Lt O'Brien qui constate alors que les navires nippons retraitent.

La bataille nocturne du 1 RAAF Sqn a donc été particulièrement violente, et réussie puisque les trois transports de troupe japonais ont été touchés.

A 5h00 du matin, après 3 heures de combat, le Wing Commander Davies ordonne une pause pour faire le point sur la situation.

Pour la RAAF cette action est à marquer d'une pierre blanche : ce sera la seule fois où une force japonaise de débarquement est chassée de sa tête de pont, sans avoir terminée son déchargement, et cela par la seule intervention de l'aviation.

Cependant , la plupart des bimoteurs restants sont fortement endommagés et nécessitent l'intervention des mécaniciens.